Chronique nature n°1 : Loire, fleuve aux mille oiseaux
Quelle joie de consacrer ce premier carnet de voyage naturaliste à la vallée de la Loire. Ce fleuve où j’ai fait mes toutes premières observations d’oiseaux à la jumelle, petite. Cette Loire, considérée comme un des derniers fleuves sauvages d’Europe, nous l’avons suivie pendant nos 500 premiers kilomètres de ce voyage à vélo, elle nous aura émerveillés par ses multiples facettes, son caractère et les surprises qu’elle nous a réservés.
La Loire, c’est déjà un paysage en évolution constante, changeant de visage à chaque nouvelle saison qui s’annonce, au rythme des étiages et des crues parfois puissantes. Les différents marqueurs de crues centennales que nous avons croisés sur notre route, nous l’ont rappelé. La Loire, c’est aussi une multitude de milieux : forêts alluviales, bancs de sable, prairies humides, pelouses, mares, vasières et autres fourrés. En parcourant cette grande variété d’habitats, il est alors moins surprenant d’y découvrir une flore et une faune, riche et tout aussi diversifiée.
Chaque matin, les grèves sableuses s’animaient de différents piaillements, le doux chant de la tourterelle des bois s’élevait dans les airs, toute une ribambelle d’oiseaux d’eau commençait alors leur va et vient au-dessus de l’eau, les libellules et autres demoiselles quant à elles s’activaient sur les berges, tandis que les criquets sautillaient de manière désordonnée dans les prairies. A la nuit tombée, l’ambiance était tout autre, les oiseaux avaient laissé la place au ballet de nombreuses chauves-souris, accompagnées d’un concert unissant de multiples grenouilles vertes à différentes sauterelles.
L’oiseau qui nous aura sans nul doute le plus accompagné le long de notre parcours, c’est la Sterne Pierregarin : une des espèces emblématiques de la vallée de la Loire, une parmi tant d’autres. En l’observant voler au dessus de l’eau, scrutant le moindre mouvement pour y débusquer un petit poisson, avec son allure gracieuse, sa silhouette effilée et sa queue fourchue, on comprend rapidement d’où elle tire son surnom d’hirondelle de mer. Un bec rouge-orangé et des pattes rouges : plus aucun doute, c’est bien elle ! 40% des effectifs français sont concentrés autour de l’axe de la Loire et de l’Allier, c’est donc un endroit privilégié pour l’observer d’avril à août, après son retour d’Afrique.
Cette espèce de sterne, peut parfois être observée en compagnie de sa « cousine », la Sterne Naine. Légèrement plus petite, elle est quant à elle reconnaissable par son bec et ses pattes jaunes. La Loire est ponctuée d’îlots dénudés, où des colonies de ces deux espèces de sternes, allant jusqu’à une centaine d’individus, ont élu domicile pour y pondre 2 ou 3 œufs dans une petite cuvette à même le sol et élever leurs jeunes. Inutile de préciser qu’une crue au mauvais moment peut se révéler dévastatrice, tout comme des dérangements répétés par des baigneurs, chiens ou autres kayakistes. Face à ces enjeux, plusieurs colonies ont été mises sous protection par des arrêtés de protection de biotope (entre autre), malheureusement pas toujours respectés.
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© LPO Anjou |
Continuons notre ballade le long de notre belle Loire, jusqu’à une vingtaine de kilomètres après Orléans, où nous choisissons une plage pour bivouaquer cette nuit-là. Nous nous lançons dans une mécanique que nous commençons à maîtriser sur le bout des doigts telles de petites marionnettes : ramassage de bois pour le réchaud, montage des arceaux et de la chambre intérieure, gonflage des matelas, … Jusqu’au moment où un magnifique rapace surgit de l’horizon et survole attentivement les eaux calmes de la Loire juste devant nous. A peine le temps de sortir les jumelles pour observer ses contrastes blancs et marrons et son bandeau noir sur les yeux, qu’il plonge d’un piqué fulgurant dans l’eau. Ce magnifique Balbuzard pêcheur sort avec peine de l’eau, malheureusement pour lui les serres vides. Son public le suivant les yeux écarquillés, il repart guetter depuis les airs les poissons un peu trop inattentifs. Le temps d’un nouvel aller-retour, il plonge de nouveau et s’envole cette fois-ci, avec son prochain repas. Le parfait visiteur pour égayer encore plus notre soirée ! Ce n’est pas la première fois qu’on le croisera sur notre route, où nous avions pu l’admirer lors d’un petit trek dans son bastion historique : la Corse. C’est une chance de pourvoir l’observer, puisqu’il avait été quasiment éliminé de France dans les années 70. Ces effectifs remontent depuis peu à peu, et il peut être vu dès son retour d’Afrique en Centre Val de Loire aux abords de la Loire et en Sologne.
Balbuzard au loin s'en retournant vers son domaine |
Extrait du ballet de ces flèches colorées
Le clou du spectacle, qui clôturera ce premier carnet exclusivement dédié aux oiseaux, c’est l’observation de la jumelle noire de la Cigogne blanche, la plus rare et surtout beaucoup plus discrète Cigogne noire. Nous en avons aperçues deux, de leur vol puissant et régulier, au battement lent, se poser, en cette fin d’après-midi de juillet aux abords d’une prairie en lisière d’une forêt alluviale, avant de repartir un peu plus tard d’où elles arrivaient vers la forêt. On estime la chance que nous avons eu en observant les chiffres : seulement 3 nids connus dans la région Centre (données LPO, 2016), pour une population de 70 couples nicheurs au niveau du pays. Egalement une migratrice, qui repart déjà au moment où nous écrivons ces lignes, vers l’Afrique subsaharienne. Oiseau mythique aux mœurs forestières et à la discrétion légendaire, elle se reconnaît par son allure d’échassier au bec et pattes rouges orangés. Elle apprécie les forêts ponctuées de milieux humides et cours d’eau où elle consomme poissons, batraciens, insectes et autres petits mammifères. Outre des menaces liées à la transformation de son habitat de prédilection, et au dérangement surtout lors de la nidification, elle est également victime de collisions avec des lignes électriques. Nous aurons le malheur de découvrir, au pied d’un pylône électrique, une cigogne cette fois blanche, morte électrocutée en Bourgogne.
Pour finir sur une note plus joyeuse, nous aurons la chance de recroiser le chemin de cigognes noires, cette fois-ci en migration, annonçant le thème d’une des prochaines chroniques !
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Observation des guêpiers du Bec de l'Allier, confluence de l'Allier et de la Loire |
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