Italie : La légende Verdi

 10 octobre 2020 - P.

Giuseppe Verdi est sans doute le plus célèbre des musiciens italien. Légende en son temps, sa vie est entourée de mythes qu'il a lui-même colporté. Pour démêler le vrai du faux, nous nous sommes rendu savec nos vélos dans sa ville d'origine, Busseto, à l'occasion du festival Verdi. Nous publions d'ailleurs cet article le jour de son 207ème anniversaire.

Buon compleanno Verdi !

Lors de notre séjour en Italie, nous nous sommes vite rendus compte que ce Busseto, petite ville perdue dans la campagne parmesane, était bien connue des italiens. "Busseto, oui, la ville de la musique." ou bien "Il faut y aller, c'est la ville de Verdi. Il font aussi une très bonne liqueur de noix, le Nocino." Les bonnes raisons de visiter cette ville ne manquent pas. Nous y faisons une étape de 3 jours pendant le festival qui met en scène de nombreux opéras et autres festivités pendant 4 semaines entre Parme et Busseto.

La città est typique; maisons peintes, arcades, petite église, glacier excellentissime, nous logeons chez une nonna (grand-mère) très accueillante et sommes déjà sous le charme. Le compositeur est encore très présent, sa statue orne la place centrale, les rues portent le nom de ses opéras, les restaurants passent sa musique, on voit des affiches pour le festival et même quelques graffitis soignés.

Verdi enfant du peuple?

Ses opéras ayant toujours eu une tournure populaire, le maestro se plaisait à laisser penser qu'il n'était parti de rien et descendait du peuple. Afin de vérifier cela, nous avons emprunté le parcours cyclable Verdi, qui mène à Roncole (aujourd'hui Roncole Verdi), à 5 km de là, pour une visite guidée à la chandelle de sa maison de naissance.
Ancien relais de poste transformé en ferme-auberge par les grands-parents, la maison est spacieuse et compte de nombreuses pièces. La guide fait un arrêt particulier dans la chambre de Carlo et Luigia, les parents de Verdi. Le 10 octobre 1813, alors qu'un groupe de musique local joue à l'étage du dessous, Giuseppe Fortunino Francesco Verdi y voit le jour. Il sera baptisé le lendemain même à cause de la forte mortalité infantile, des noms de ses grands-parents Giuseppe et Francesca en plus de Fortunino (chanceux en italien) car naitre un dimanche porte chance. Son acte de naissance est rédigé en français, la région étant sous le contrôle de Napoléon.
Cette chambre avec cheminée et fenêtre, dans cette grande auberge, atteste de la position aisée des parents de Verdi. La légende que le compositeur a forgé sur ses origines modestes est en effet infondée. Le musicien racontait d'ailleurs qu'il était né en 1814, un an après sa vraie naissance, car le Parmesan fut repris par l'Autriche en 1814. Il valait mieux ne pas être né en France, de même que pour plaire au peuple il valait mieux en être issu. Verdi nous aurait donc menti ...
Ajoutons tout de même que cela n'enlève rien au charme du maestro et de ses composition. Allez, juste pour le plaisir, un extrait de l'opéra Macbeth, la scène des sorcières :


Verdi autodidacte ?

Alors que la visite continue, nous entrons dans une petite pièce ornée d'une reproduction de l'épinette sur laquelle le petit Giuseppe, alors surnommé "Peppino", entrainait ses gammes. Verdi avait toute sa vie affirmé que musicalement "il n'était né de rien", la guide nous apprend une vérité plus nuancée. De nombreux musiciens étaient de passage dans l'auberge, d'où Peppino essaye les instruments et va à loisir écouter son maitre d'école Pietro Baitroscchi jouer de l'orgue. Il recevra de lui ses premières leçons musicales et le remplacera même entre ses 8 et 10 ans. Il sera ensuite mis sous la protection d'un notable, Antonio Barezzi, qui après avoir entendu ses dons musicaux extraordinaires lui fera prendre des leçons à l'école de musique locale. 
Verdi a donc reçu une éducation musicale dès sa jeunesse, bien qu'il ne soit pas issu d'une famille de musiciens (mais d'une famille mélomane). Il faut tout de même ajouter qu'il ratera plus tard son entrée au conservatoire de Milan, qui porte aujourd'hui son nom, sans doute à cause de la position de ses mains pendant l'épreuve de piano, et devra prendre des cours particuliers et se former lui-même. Peut-être sa formation peu classique a-t-elle fait germer en lui ce style si populaire et original pour son époque?
Afin de s'en persuader, écoutons l'ouverture de la forza del destino, aux accents exaltés où douceur et effervescence se succèdent sur des mélodies si ... italiennes :

Verdi populaire en Italie?

Oui, bien sûr, il l'a été de son vivant. Après le succès de son opéra Nabucco alors qu'il a 29 ans seulement, Verdi tourne entre Rio et Istambul, dans les plus grands opéras comme Paris, Venise ou Milan et rassemble les foules. Le peuple voit dans ses opéras des symboles de lutte contre l'oppresseur autrichien, on l'associe à l'unification italienne en écrivant Viva Verdi sur tous les murs (nom de code pour Viva Emmanuele Due Re d'Italia), on le fera entrer au gouvernement en tant que député puis sénateur même s'il se désintéresse de la politique, et lors de ses funérailles en 1901, 250 000 personnes viendront écouter Arturo Toscanini interpréter le Va pensiero devant sa tombe.

Nous avons pu nous même nous rendre compte à quel point Verdi était adulé en nous rendant le lendemain dans le centre de Busseto faire une visite guidée assez singulière. Au sein d'un théâtre construit en l'honneur de Verdi, une cantatrice jouant le rôle de Giuseppina Strepponi, la compagne du compositeur, nous a conté l'histoire du lieu entre deux airs d'opéras. Ce Théâtre de 300 places était trop grand pour les 2000 habitants de Busseto, et lors de son inauguration, les bourgeois si fiers de leur compositeur sont tous venus habillés en vert (ça faisait encore plus verdi). Une seule loge était vide, celle de Verdi ! Il n'était pas venu, laissant croire qu'il était trop occupé à composer. La soprano quand à elle nous laisse penser en jouant la jalousie qu'il est plutôt occuper à vagabonder dans Venise, ville de tous les vices, conscient de son charme extraordinaire ... 

Un extrait si dessous de la Traviata que nous a chanté la cantatrice :

Aujourd'hui, Verdi reste le compositeur italien le plus joué au monde. Malgré cela, nous voulions savoir ce qu'il en était auprès des italiens. A la fin de la visite guidée, autour d'une dégustation de liqueurs locales, nous avons posé la question aux autres visiteurs :

"- Verdi, les gens le connaissent de nom, et apprennent qui il est à l'école. Mais pour ses opéras, ils connaissent surtout une chanson paillarde dérivée de "la donna è mobile" du Rigoletto*. Quel dommage… "

Néanmoins, nous apprenons qu'une série télévisée sur la vie de Verdi a très bien marché, et a d'ailleurs fait participer les habitants de la ville (en replay ici). Nous parlons également des œuvres célèbres ou inédites qui sont jouées pendant le festival Verdi. Cette année, juste avant que l'on vienne, la version française de Macbeth a été jouée pour la première fois depuis 1865. Nous devions voir le Rigoletto, qui a été malheureusement annulé à cause du Covid, et avons appris qu'une des représentations précédentes plaçait la mise en scène sur un bateau de migrants. Le covid a en effet durement touché le festival cette année, où néanmoins le requiem a été chanté en mémoire aux victimes de l'épidémie.


La musique de Verdi fascine donc toujours, et si vous voulez découvrir tous ses secrets, nous vous conseillons de visiter Busseto pendant le festival.
Dans ce pays où l'art est à chaque coin de rue, ce compositeur qui a galvanisé le peuple d'Italie et participé à son union, a composé des mélodies riches et exaltées qui rappellent l'accent chantant des italiens. Nous en sommes maintenant sûr, Verdi appartient et appartiendra toujours à l'âme musicale de l'Italie.

Quelques photos de notre séjour à Busseto :




Un dernier regard sur le théatre Verdi
Un dernier regard sur le théâtre Verdi

 *si quelqu'un trouve une version de cette chanson paillarde, merci de nous la faire découvrir dans les commentaires 
😁

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